Dans
une contribution publiée en annexe de cet article,Kostas
Lapavitsas intervient comme militant et membre de la direction de
Syriza.
Les
questions qu'il pose sont celles que discutent aujourd'hui tous les
militants de Syriza et au delà tous les travailleurs grecs.
Il
convient pour nous comme militants ou sympathisants de la gauche
française,de nous demander quelle aide et quelle contribution nous
pouvons apporter au peuple grec.
En
premier lieu,avant d'attaquer ou de remettre en cause la politique de
Syriza et du gouvernement grec,nous devons clairement identifier les
auteurs et la nature du coup de force mené contre le peuple grec
dans ces négociations qui ont été un traquenard.
Comme
militants français,nous devons établir et dire la vérité,celle de
l'engagement total de notre gouvernement,des Hollande et
Moscovici,dans l'ignoble chantage auquel a été soumis la délégation
grecque.
Dire
la vérité,c'est aussi dire que notre gouvernement,celui du 49ter et
de la Loi Macron,se situe dans le camp de ceux qui disent aux
dirigeants grecs qu'ils doivent aller jusqu'au bout de la
capitulation,aller jusqu'au bout de l'application des réformes,quel
qu'en soit le prix pour le peuple grec,quelles que soient les
souffrances et le martyr déjà infligés à tout un peuple.
Chacun
se souvient que M Mélenchon avait demandé a être reçu par
Hollande pour que celui-ci « fasse entendre la voix de la
France »,chacun se souvient que Pierre Laurent en avait appelé
à la BCE et aux institutions européennes pour qu'elles s'engagent
dans la voie d' « une Europe plus juste et solidaire.. ».
Le
verdict est tombé,la « voix de la France s'est mêlée aux
ordres aboyés par Schauble et les « institutions
européennes »,sans fard et sans masque ont montré leur vrai
visage,celui de la dictature du capital financier,faisant mettre un
genou à terre aux représentants d'un gouvernement démocratiquement
élu.
Il
est des défaites qui sont plus honorables que bien des victoires et
tout le déshonneur et l'infamie de cette signature extorquée à des
hommes qui avaient un pistolet sur la tempe,retombe sur ces
dirigeants qui veulent précipiter la Grèce dans l'abîme de misère
où ils veulent faire plonger leur propre peuple.
Le
lendemain de ce jour de honte,la presse bourgeoise se réjouissait
sans vergogne de la « capitulation » de Syriza,pendant
qu'à l'unisson Hollande,Paul Laurent ou Mélenchon saluaient la
victoire de la démocratie.
Beaucoup
de questions restent posées,toutes les questions restent posées et
certaines inquiétudes commencent à être exprimées,le carnage
annoncé,le festin des capitalistes et des banquiers semble encore
soumis à quelques conditions ?
En
premier lieu,jusqu'où Tsipras et Varouflakis sont-ils prêts à
aller dans la voie qui leur est ouverte par Merkel et Hollande ?
Aucune réponse certaine à cette question et la rupture reste
possible à tout moment,parce qu'aller jusqu'au bout de l'écrasement
de son propre peuple,piétiner tous les espoirs et toutes les
attentes de ceux qui vous ont élus,il faut avoir les « qualités
morales « d'un Valls ou d'un Cambadélis pour assumer ce
choix.
Une
autre question posée est celle de la réaction des militants et des
dirigeants de Syriza qui ne se pose pas en terme d'opposition à
Tsipras ou de remise en cause de sa légitimité.
Ce
que disent les militants,ce n'est pas « Tsipras nous a trahis
. » .Ce que disent les militants,c'est qu'ils doivent aider ce
gouvernement à résister à ces bandits de la Troïka,qu'ils doivent
mettre tout leur poids dans la balance,y compris par la mobilisation
populaire,pour barrer la voie au retour des pillards.
Des
millions de travailleurs grecs sont prêts à descendre dans la
rue,mais pas contre le gouvernement qu'ils voient encore comme leur
gouvernement.
Les
dernières déclarations des dirigeants de la CDU,l'exigence
renouvelée avec tant de hargne que le Mémorandum soit appliqué
jusqu'au bout et dans sa totalité,ce déchaînement brutal d'une
haine de classe dirigée contre tout un peuple,tout cela est repris
et commenté par la presse grecque et discuté avec gravité par
toute la population et chacun en tire les conclusions d'un
affrontement inévitable.
Le
calcul de ces voyous politiques était d'obtenir la capitulation de
Syriza pour barrer la voie à toute issue politique,ils n'ont pas
fait la moitié du chemin dans cette voie,ils ont au contraire crée
les conditions d'un surgissement révolutionnaire d'un soulèvement
de tout un peuple.
N'en
déplaise à MM Laurent ou Mélenchon,quand le peuple descendra dans
les rues d'Athènes il est probable que nous verrons brûler beaucoup
de drapeaux de l'Union européenne et que les mots d'ordre qui
souderont les cortèges ne seront pas ceux de l'humanisation de la
BCE ou de l'exigence d'une Europe plus sociale adressée à ...Merkel
et Hollande,mais plus prosaïquement :
A
bas l'Union Européenne !
A
bas la Troïka !
Quand
un peuple combat pour sa survie,certaines vérités essentielles
s'imposent à lui.
Ce
9 Mars 2015,les confédérations CGT,CGT-FO et Solidaires appelent à
une journée de grève interprofessionnelle et de
manifestations,contre les politiques d'austérité,contre la Loi
Macron.
Déjà
dans de nombreux départements les UD Cgt et Fo lancent des appels
communs à la grève et à la manifestation,un mouvement de fond est
engagé dans la voie de la résistance,pour bloquer la politique du
gouvernement.
Kostas
Lapavitsas est professeur d’économie à l’Université de
Londres et a été élu député Syriza lors des dernières
élections. Dans un article publié sur son blog le 23 février, il
critique les dernières négociations de son gouvernement
avec les créanciers du pays et considère que cela ne va pas dans le
sens des engagements pris lors du discours de Thessalonique qui
présentait le programme économique en cas de victoire. Il pose
également 5 questions importantes sur la dette, l’austérité, le
Plan national de reconstruction et l’avenir des négociations.
La
contribution de Kostas Lapavitsas
L’accord
de l’Eurogroupe n’est pas complété, en partie parce que nous ne
savons pas encore quelles sont les ‘réformes’ que le
gouvernement grec proposera aujourd’hui (lundi 23 février) et
quelles sont celles qui seront acceptées.
Mais,
nous qui avons été élus sur la base du programme de Syriza et qui
considérons que les
propositions de Thessalonique sont
un engagement que nous avons pris envers le peuple grec, nous sommes
profondément préoccupés. Et il est de notre devoir de consigner
nos préoccupations.
Le
contour général de l’accord est le suivant :
- La Grèce demande la prorogation de l’accord courant qui est fondé sur une série d’engagements.
- Le but de la prorogation est de permettre d’achever l’évaluation de l’accord courant et de donner le temps d’élaborer un nouvel accord probable ;
- La Grèce soumettra immédiatement une liste de ‘réformes’ qui seront évaluées par les ‘institutions’ et sur lesquelles un accord sera conclu au mois d’avril. Si l’évaluation est positive, les fonds qui n’ont pas encore été donnés au titre de l’accord courant seront dégagés, de même que seront restitués les bénéfices réalisés par la BCE ;
- Les fonds disponibles au Fonds de stabilité financière (ESF) serviront exclusivement à couvrir les besoins des banques et ne seront plus sous contrôle grec.
- La Grèce s’engage de remplir pleinement et en temps utile toutes ses obligations financières envers ses partenaires.
- La Grèce s’engage à assurer les excédents ‘adéquats’ afin de garantir la viabilité de la dette sur la base des résolutions de l’Eurogroupe de novembre 2012. L’excédent 2015 tiendra compte de la conjoncture économique de 2015.
- La Grèce ne révoquera pas de mesures, ne procédera pas à de changements unilatéraux susceptibles d’avoir un effet négatif sur les objectifs budgétaires, la reprise économique ou la stabilité financière tels qu’évalués par les ‘institutions’.
Sur
cette base, l’Eurogroupe entamera les procédures nationales en vue
d’une prorogation de quatre mois de l’accord en cours et invite
les autorités grecques à engager immédiatement la procédure en
vue de la réalisation de son évaluation.
Il
est difficile de discerner comment, au travers de cet accord, il sera
possible de réaliser les mesures annoncées à Thessalonique qui
incluent l’annulation de la majorité de la dette et le
remplacement immédiat des mémorandums par le Plan national de
reconstruction.
Nous
qui avons été élus avec Syriza, nous nous sommes engagés pour la
réalisation de ce Plan indépendamment des négociations concernant
la dette car nous estimons nécessaire de relancer l’économie et
de soulager les souffrances de la société. Il est donc nécessaire
à présent d’expliquer comment cela sera réalisé et comment le
nouveau gouvernement sera en mesure de changer la situation tragique
dont il a hérité.
Pour
être plus précis, le Plan national de reconstruction incluait
quatre piliers représentant, pour la première année, le coût
suivant :
- Lutte contre la crise humanitaire (1,9 milliards).
- Relance de l’économie par le biais d’allègements fiscaux, le remaniement des ‘prêts au rouge’, la création d’une banque de développement, la restauration du salaire minimum à la somme de 751 euros (total : 6,6 milliards).
- Plan pour l’emploi public, impliquant 300.000 emplois (3 milliards pour la première année et 2 autres milliards à la seconde).
- Changement du système politique par le biais d’interventions dans les collectivités locales et au Parlement.
Les
sources de financement prévues pour la première année, étaient
les suivantes :
- Liquidation des dettes envers le fisc (3 milliards)
- Lutte contre l’évasion fiscale et le trafic de marchandises (3 milliards)
- Fonds de stabilité financière (3 milliards)
- Cadre national stratégique pour le développement et autres programmes communautaires (3 milliards)
Compte
tenu de la communication de l’Eurogroupe, je pose les questions
suivantes :
Plan national de reconstruction
Comment
le Plan national de reconstruction sera-t-il financé si les 3
milliards du Fonds de stabilité financière sont dorénavant hors du
contrôle grec ? Ces fonds n’étant plus disponibles, il sera
d’autant plus impérieux de collecter des sommes importantes grâce
à la lutte contre l’évasion fiscale et à la liquidation des
dettes envers le fisc, dans un très bref délai. Combien cette
perspective est-elle réalisable ?
Annulation de la dette
Comment
l’annulation de la dette pourra-t-elle avancer si la Grèce
s’engage à rembourser intégralement et en temps utile toutes ses
obligations financières envers ses partenaires ?
Levée de l’austérité
Comment
pourra-t-il y avoir une levée de l’austérité si la Grèce
s’engage de réaliser des excédents primaires ‘adéquats’ afin
de rendre ‘viable’ l’énorme dette courante ? La
‘viabilité’ de la dette –telle qu’estimée par la troïka –
était précisément la raison de la chasse absurde aux excédents
primaires. Étant donné que la dette ne sera pas significativement
réduite, comment arrêterons-nous d’avoir des excédents primaires
qui sont catastrophiques pour l’économie grecque et qui
constituent l’essence de l’austérité ?
Surveillance et coût budgétaire
Comment
sera-t-il possible de réaliser des changements progressistes dans le
pays si les ‘institutions’ exercent une surveillance stricte et
interdisent les actions unilatérales ? Les ‘institutions’
permettront-elles de réaliser les piliers du programme de
Thessalonique étant donné qu’ils ont un impact budgétaire direct
ou indirect ?
La négociation future
Qu’est-ce
qui aura précisément changé dans les quatre mois de la
‘prorogation’ pour que la nouvelle négociation avec nos
partenaires ait lieu à partir de nouvelles positions meilleures ?
Qu’est-ce qui évitera la dégradation de la situation politique,
économique et sociale du pays ?
Les
moments sont absolument cruciaux pour la société, la nation et,
bien entendu, pour la Gauche. La légitimité démocratique du
gouvernement est fondée sur le programme de Syriza. La moindre des
choses est d’avoir un débat ouvert dans les organes du parti et
dans le groupe parlementaire. Nous devons fournir immédiatement des
réponses pertinentes à ces questions pour conserver le soutien et
la dynamique que le peuple grec nous imprime. Les réponses qui
seront données dans les jours qui suivent jugeront de l’avenir du
pays et de la société.
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