Nouvelles du Dombass,un article de Jacques Sapir
Depuis ces derniers jours, l’atmosphère se tend à Kiev, mais aussi dans les officines de propagande qui relaient les humeurs de ce gouvernement et par ricochet de l’OTAN. Il est vrai que la situation se détériore sur le plan militaire, mais aussi politique.
Les opérations de ces derniers jours
L’armée de Kiev connaît des revers dans le « chaudron » de Debaltsevo. Ce « chaudron » (le terme est une traduction de l’allemand « kessel ») correspond en fait à la langue encore tenue par les troupes de Kiev dans le territoire contrôlé par les insurgés (carte 1).
Carte 1
Des combats très violents s’y déroulent, avec l’emploi de chars et de l’artillerie et les pertes des forces de Kiev ont été lourdes. L’artillerie de Kiev a tiré sur des cibles civiles à Donetsk provoquant plusieurs morts, mais ne semble pas en mesure d’affronter efficacement les forces des insurgés. Ces derniers tentent de fermer la poche à deux endroits. Mais, les combats se concentrent autour de Gorlovka (carte 2).
Carte 2
On est en présence de combats de rue à rue, où la détermination des insurgés leur permet de prendre le dessus. De fait, il semble que depuis dimanche soir ils tiennent sous leurs feux la route reliant la poche et le gros des forces ukrainiennes, empêchant par là même l’arrivée de renforts.
Carte 3
Cette bataille a provoqué de fortes tensions politiques dans les forces de Kiev. La « mobilisation générale » décrétée par le pouvoir de Kiev n’a, selon les dires de son propre ministre de la défense, eu qu’un effet très limité, seuls 20% des jeunes requis se sont présentés. Le mouvement de protestation contre la conscription s’amplifie (comme à Kramatorsk et à Odessa) en Ukraine et en 3 jours près de 7500 jeunes ont fui en Russie pour échapper à la conscription. Pour donner un ordre de grandeur, c’est comme si 45000 jeunes américains avaient fui au Canada en trois jours lors de la Guerre du Vietnam. Face à ces échecs, tant militaires que politiques, le gouvernement de Kiev ne songe qu’à une nouvelle escalade et demande des armes à l’OTAN. C’est une logique insensée, hélas appuyée par l’OTAN, et qui risque de conduire, par petit pas, à une guerre généralisée. On peut être effectivement inquiet car les négociations de la fin de la semaine dernière à Minsk ont échouées. Mais, il y a dans ce tableau une véritable lueur d’espoir.
Quelle solution politique ?
Les negociations pour un cessez-le-feu qui avaient reprises à Minsk se sont interrompues. De fait, on ne voit pas ce qui aurait permis d’aboutir à un accord qui soit respecté.
Il faut aujourd’hui avoir le courage de dire qu’une victoire limitée des insurgés du Dobass offre en réalité les meilleures perspectives pour que l’on aboutisse, enfin, à un cessez le feu durable. Une fois la « poche » de Debaltsevo passée sous le contrôle des insurgés, il devient possible de penser à une ligne de cesser-le-feu continue. C’est pourquoi, la mise en œuvre d’un cessez-le-feu réel, appelé de leurs vœux par Mme Merkel et par François Hollande, passe en réalité par une défaite des forces de Kiev. Une fois une ligne continue réalisée, il faudra, ensuite, trouver un accord sur des forces d’interposition. L’une des raisons de l’échec des divers cessez-le-feu négociés jusqu’à présent est que les adversaires sont directement au contact. Cette situation est propice à des provocations venant des deux côtés. Il faut donc que sous l’égide de l’ONU une force d’interposition, sans doute constituée autour de soldats des BRICS, puisse être mise en place sur la ligne de cessez-le-feu. Au-delà, il convient de réflechir à une solution politique à ce conflit où déjà plus de 5000 civils ont péris et qui a provoqué des centaines de milliers de réfugiés, en grande partie en Russie.
Sur la base d’un cessez-le-feu qui soit réellement respecté, on pourra effectivement construire une véritable solution politique qui sera le prélude à la reconstruction du Donbass où les troupes de Kiev ont systématiquement détruit toutes les infrastructures. Si la notion de « fédéralisation » de l’Ukraine est morte, on peut penser qu’un statut d’autonomie des régions de l’est de l’Ukraine au sein du pays, sur le modèle de la région autonome du Kurdistan en Irak, pourrait être possible. Mais, cette solution exigera des deux côtés beaucoup d’efforts.
En
premier lieu et si les informations données sont confirmées,nous
trouvons dans ces événements une nouvelle manifestation de la
situation de décomposition dans lequel se trouve l'armée
ukrainienne.
Beaucoup
de commentateurs insistent sur la présence de mercenaires étrangers
et de miliciens,mais ils oublient d'en tirer l'information principale
qui est l'impossibilité pour le régime de Kiev de reconstituer une
armée nationale.
L'ampleur
des redditions,des refus de combattre,des désertions,l'échec des
différentes tentatives de mobilisation générales,ne sont que la
réfraction sur le plan militaire de l'isolement du régime,de son
absence de toute base sociale et ceci à l'Est ou à l'Ouest de
l'Ukraine.
Dans
cette situation,la plus grande faiblesse des partisans pro-russes
semble leur incapacité à formuler une politique qui puisse
rassembler l'ensemble des composantes de la nation
ukrainienne,d'ouvrir pour tous une perspective commune qui ouvrirait
la voie à la chute de la Junte de Kiev.
Je
suis toujours surpris de voir la discrétion qui entoure le plan
présenté par le FMI et l'Union européenne et ceci alors que ses
conséquences sociales seraient la liquidation de pans entiers de
l'industrie ukrainienne et une régression sociale qui frapperait
avec une infinie brutalité toutes les couches de la population.
Ce
plan du FMI,que ses auteurs qualifient de thérapie de
choc,constituent le contenu social réel de ce que signifie
l'allégeance à l'Union européenne.
Le
rejet de ce plan,le maintien et le rétablissement de toutes les
conquêtes sociales,la garantie du maintien de tous les sites
industriels et des mines menacées de fermeture,ces revendications
simples et démocratiques ne peuvent-elles constituer le fondement
d'un combat commun rassemblant l'ensemble des ukrainiens ?
Un
tel programme,s'il était formulé modifierait en profondeur la
nature et l'enjeu des combats en cours.
L
'Est de l'Ukraine n'est pas seulement et n'est pas surtout marqué
par la prépondérance des populations russophones,il est le bastion
industriel du pays,celui où se trouvent les plus fortes
concentrations ouvrières du pays.
C'est
ce caractère de classe qui situe la place que doit occuper cette
région dans le combat contre la junte de Kiev.
L'alternative
ouverte est finalement simple,un gouvernement inféodé à l'Otan et
au FMI,un gouvernement qui ouvrirait la voie à la dislocation et à
la ruine du pays,le livrerait à une guerre sans fin...
L'autre
terme de l'alternative serait le rétablissement de l'unité et de la
souveraineté de l'Ukraine,la rupture avec le FMI,e maintien et le
rétablissement des droits sociaux,le rétablissement de la
propriété sociale,l'expropriation des oligarques qui ont ruiné et
pillé le pays,l'union libre et fraternelle des peuples et des
nations pour la paix et le développement.
rakosky
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