Politique
d'extermination et génocides en Europe orientale et en Russie
«des
dizaines de millions d’hommes devront sans aucun doute mourir
de faim»
partisans russes executés par les nazis |
I / Les documents
Document 1
« 4. Le commandant du camp est seul responsable de la main-d’œuvre. Cette exploitation doit être épuisante dans le vrai sens du mot (muss im wahren Sinn desWortes erschöpfend sein), afin que le travail puisse atteindre le plus grand rendement.
5. La durée du travail est illimitée. Cette durée dépend de la structure et de la nature du travail; elle est fixée par le commandant seul.
6. Toutes les circonstances qui peuvent limiter la durée du travail (repas, appels, etc.) sont donc à réduire à un strict minimum. Les longues marches et les pauses pour les repas de midi sont interdites… »
5. La durée du travail est illimitée. Cette durée dépend de la structure et de la nature du travail; elle est fixée par le commandant seul.
6. Toutes les circonstances qui peuvent limiter la durée du travail (repas, appels, etc.) sont donc à réduire à un strict minimum. Les longues marches et les pauses pour les repas de midi sont interdites… »
rapport sur la situation actuelle des camps de concentration adressé Le 30 avril 1942 à Himmler par Oswald Pohl, le chef de l’ Office principal économique et administratif S.S.
Document 2
Loin d’être protégés parce qu’ils travaillaient pour Buna, les détenus mouraient à la tâche. Même pendant la phase de construction, les contremaîtres d’IG-Farben adoptèrent le « rythme de travail » S.S. — par exemple transporter le ciment au pas de course. Un jour de 1944, un groupe important de nouveaux détenus fut accueilli par un discours où on leur dit qu’ils venaient d’arriver au camp de concentration de l’IG-Farbenindustrie. Ils n’étaient pas là pour vivre, mais pour « périr dans le béton ». Ce discours de bienvenue faisait référence, selon un survivant, à une pratique d’IG-Farben, qui consistait à jeter les cadavres des détenus dans des tranchées creusées pour les câbles. Comme ceux des anciens enfants d’Israël, ces cadavres étaient ensuite recouverts par le ciment qu’on déversait sur eux.
Une anecdote montre à quel point même les directeurs d’IG-Farben avaient assimilé la mentalité de la SS. Un jour, deux détenus de Buna, le docteur Raymond van den Straaten et le docteur Fritz Löhner-Beda, accomplissaient leur tâche, lorsque vint à passer un groupe de dignitaires d’IG-Farben en visite à l’usine. Un des directeurs désigna d’un geste le docteur Löhner-Beda et dit à son compagnon SS : « Ce cochon de Juif pourrait travailler un peu plus vite (Diese Judensau konnte auch rascher arbeiten). » Un autre directeur entendit cette remarque : « S’ils sont incapables de travailler, expédiez-les à la chambre à gaz (Wenn die nicht mehr arbeiten konnen, sollen sie in der Gaskammer verrecken) ! » L’inspection finie, le docteur Löhner-Beda fut extrait de l’équipe de travail, battu et bourré de coups de pied jusqu’au moment où, mourant, il fut abandonné à un de ses camarades pour périr à IG-Auschwitz.
Environ 35000 détenus passèrent par Buna ; 25000 au moins moururent.
Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Fayard, 1988, citant des dépositions de déportés.
Document 3
Partisans soviétiques d'origine juive' |
Une
guerre d'extermination menée aussi contre le peuple russe et les
peuples slaves
«Plan Est» et génocide nazi
Des estimations récentes, russes et américaines, du bilan de la deuxième guerre mondiale attestent que plus de la moitié des victimes furent soviétiques: 26 à 27 millions. Mais les raisons des décès sont multiples, et depuis 1991, des historiens et journalistes russes soucieux d’instruire «le procès du communisme» insistent sur les responsabilités de Staline dans l’hécatombe et notamment la débâcle de 1941. Il reste qu’une grande partie des victimes est constituée de populations civiles et de prisonniers massacrés par les nazis. Or, il s’agit bien là- estiment les historiens allemands cités par Vidal- d’une extermination délibérée: «des dizaines de millions d’hommes devront sans aucun doute mourir de faim» explique le protocole final du 2 mai 1941 quant aux bases et modalités de l’invasion de l’URSS. L’objectif de 30 millions de morts soviétiques relève d’un «génocide planifié» obéissant pour une part, estiment les historiens allemands, à une «stratégie alimentaire» (éliminer les bouches inutilement nourries au profit de l’approvisionnement allemand) et, par ailleurs, à des considérations démographiques (l’excès de population rurale) et économiques à plus long terme (la nécessité de faire place aux colons allemands et de moderniser les industries). Simultanément, une partie des populations en voie ou non de liquidation physique sont réduites en esclavage pour les besoins de la grande industrie allemande, dont plusieurs firmes qui ont encore pignon sur rue aujourd’hui .
Dès lors, les historiens contestent l’idée très répandue du caractère purement irrationnel ou exclusivement antisémite du génocide, en ce compris le judéocide ou destruction du judaïsme, qui en est l’extrémité absolue. L’élimination, en Europe centrale et orientale, de vastes populations «encombrantes» relève d’une vision très élaborée, à laquelle participent d’éminents intellectuels de plusieurs disciplines, dont les démographes spécialistes de la surpopulation. Le racisme et spécialement la haine des juifs, associés au communisme, jouent bien entendu un rôle déterminant dans le judéocide, que la guerre à l’Est précipite et radicalise. On observera, au passage, l’importance de la chronologie: l’invasion de l’URSS, entamée le 22 juin 1941, s’accompagne de nombreux pogromes «de juifs et de communistes», dûment planifiés, et perpétrés par les einzatsgruppen allemands avec le concours parfois «spontané» des groupes nationalistes locaux (notamment baltes et ouest-ukrainiens). Des massacres de dizaines milliers de juifs ont lieu en septembre, notamment à Baby Yar (Kiev). A la même époque le Zyklon B est utilisé pour la première fois pour gazer 900 prisonniers soviétiques, en novembre-décembre des unités mobiles de gazage se répandent (y compris en Serbie) et des chambres à gaz fixes sont installées en Pologne, où le premier gazage de juifs a lieu le 8 décembre à Chelmno, l’endroit même où sont gazés 5000 tsyganes à la mi-janvier. La solution finale est décidée à Wannsee le 20 janvier, le «Plan général Est» est révélé le 12 juin, le gazage généralisé à Auschwitz commence en juillet… C’est l’époque où la France de Vichy rafle et livre aux nazis des milliers de juifs. En août-septembre commencent les déportations de Belgique et de Croatie. Mais une autre date importe, quelques mois plus tard: le 2 février 1943, c’est la capitulation allemande à Stalingrad, la bataille-pivot de la deuxième guerre mondiale, et la contre-offensive soviétique devient irréversible.
«Plan Est» et génocide nazi: de nouveaux éclairages d’historiens allemands
Par Jean-Marie Chauvier
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