dimanche 25 novembre 2018

Quand Lénine est affublé d'un gilet jaune


Quand Lénine est affublé d'un gilet jaune


Quand un mouvement social reçoit le soutien de forces politiques situées aux extrèmes opposés du spectre politique, nous devons bien admettre que nous nous trouvons devant un phénomène nouveau et inédit qui pour le moins mérite une discussion.
Les points de vue et les arguments des uns et des autres étant supposés connus et largement exposés nous n'y reviendrons pas et faisons le choix d'exposer simplement les faits ne souffrant aucune contestation.
En admettant que les uns et les autres, quel que soit leur point de vue, ne sont pas des idiots de village, nous laisserons chacun libre d'en tirer les conclusions qu'il souhaite

Le premier de ces faits, le plus surprenant, est la diversité politique de ceux qui affirment soutenir ce mouvement. Il me semble que c'est la première fois dans l'histoire de ce pays qu’un mouvement social reçoit le soutien et les encouragements de formations politiques aussi différentes que le NPA, la France insoumise, le Rassemblement national, Debout la France et quelques autres

Le second fait frappant est la diversité et la confusion des revendications exprimées et dans ce domaine les convergences sont aussi surprenantes que les contradictions. Ainsi en est- il de mots d'ordre comme 'le pouvoir au peuple'entendu dans les rangs de la FI ou du RN et dont la formulation sans aucun contenu de classe laisse à chacun le soin de lui donner le sens qu'il souhaite. Plus surprenant encore, l'expression d'une véritable colère contre la misère sociale qui reçoit en écho l'expression de véritables revendications patronales comme la baisse des impôts et des cotisations sociales, cotisations sur lesquelles repose le financement de la Sécurité sociale.Remarquons que si les organisations patronales et les forces de droite expriment sans ambiguïté leur programme c'est à gauche que l'on évite soigneusement les mots d'ordre qui pourraient rompre cette unité, à commencer par la simple demande de l'augmentation générale des salaires et des pensions ou l'abrogation de la CSG .

Un autre fait qui mérite débat est le choix de symboles identiques par des forces politiques que l'on suppose radicalement opposés. Le seul drapeau que l'on ait vu flotter est le drapeau tricolore et le seul chant entonné était la Marseillaise, toute présence et toute manifestation ayant un rapport avec le mouvement ouvrier et son histoire ou son identité étaient rigoureusement proscrits et cette proscription a été respectée par tous. Aucun drapeau rouge n'a été vu, aucune Internationale n'a été entendu et cela dans l'ensemble des cortèges ou des points de blocage.
Une simple remarque sur le fait que cette 'unité s'est faite autour de symboles qui dans notre histoire ont toujours été, quand ils étaient brandis dans les manifestations étaient ceux de la droite, de la bourgeoisie. Traditionnellement, une manifestation ouvrière ou de gauche se déroulait avec des drapeaux rouges et se concluait au chant de l'Internationale. Inversement , quand De Gaulle remontait les Champs Elysées le 13 Mai 1968 ou quand le FN ou d'autres forces de droite prenaient la rue, elles le faisaient sous une forêt de drapeaux tricolores et au chant de la Marseillaise
Des symboles ne sont que des symboles, mais ils sont aussi un peu plus, ils sont la reconnaissance qui n'est pas que symbolique qu'en dehors du fait que nous soyons tous des gens ou des citoyens, il existe dans la société des oppositions de classe et que dans une démocratie ces oppositions doivent pouvoir s'exprimer au grand jour.
En conclusion, un simple fait anecdotique et révélateur, le brusque engouement pour Lénine qui a saisit jusqu'aux jusqu'aux virulents partisans de la fachosphère. Une citation datant de 1916, toujours la même et dont l’occurrence pose problème.
Le premier problème est le soin minutieux mis par tous pour occulter le contexte historique et le sens d' un texte qui était un texte de soutien à l'insurrection irlandaise, un texte où Lénine pourfendait ceux qui refusaient de soutenir les revendications nationales et le droit à l'indépendance des petites nations
Nous pouvons comprendre la gène de ceux qui ont condamné la République catalane et apportent leur soutien à la monarchie, nous pouvons comprendre aussi que cette gène puisse les amener à tronquer et falsifier une citation de Lénine qui en a vu d'autres et de bien pires.
Le second problème étant que l'allusion de Lénine au caractère' de toute révolution soit utilisée pour justifier cette alliance improbable qui a porté les gilets jaunes sur les fonts baptismaux. Il ne me semble pas trouver aucune trace du moindre texte de Lénine justifiant de dissoudre le mouvement ouvrier, de renoncer à son organisation ou à son programme pour une alliance avec la bourgeoisie et ses partis. Il me semble bien au contraire que toute sa politique visait à rassembler les masses opprimées derrière le prolétariat et ceci même quand il prenait à son compte des mots d'ordre démocratiques
Chacun est libre de penser que le programme de Lénine est dépassé, périmé, ringardisé, qu'il doit être dissout au sein d'un mouvement plus gazeux, mais tronquer le sens d'une citation ne relève pas de cette liberté mais 'une pure falsification

proclamation du gouvernement provisoire de la République d'Irlande


l'insurrection irlandaise de 1916




Annexe

Bilan d'une discussion sur le droit des nations à disposer d'elles-mêmes


Les opinions des adversaires de l'autodétermination aboutissent à cette conclusion que la viabilité des petites nations opprimées par l'impérialisme est d'ores et déjà épuisée, qu'elles ne peuvent jouer aucun rôle contre l'impérialisme, qu'on n'aboutirait à rien en soutenant leurs aspirations purement nationales, etc. L'expérience de la guerre impérialiste de 1914-1916 dément concrètement ce genre de conclusions.

La guerre a été une époque de crise pour les nations d'Europe occidentale et pour tout l'impérialisme. Toute crise rejette ce qui est conventionnel, arrache les voiles extérieurs, balaie ce qui a fait son temps, met à nu des forces et des ressorts plus profonds. Qu'a-t-elle révélé du point de vue du mouvement des nations opprimées ? Dans les colonies, plusieurs tentatives d’insurrection que les nations oppressives se sont évidemment efforcées, avec l'aide de la censure de guerre, de camoufler par tous les moyens. On sait, néanmoins, que les anglais ont sauvagement écrasé à Singapour une mutinerie de leurs troupes hindoues; qu il y a eu des tentatives d'insurrection dans l'Annam français (voir Naché Slovo) et au Cameroun allemand (voir la brochure de Junius [1] ); qu'en Europe, il y a eu une insurrection en Irlande, et que les Anglais "épris de liberté", qui n'avaient pas osé étendre aux irlandais le service militaire obligatoire, y ont rétabli la paix par des exécutions; et que, d’autre part, le gouvernement autrichien a condamné à mort les députés de la Diète tchèque "pour trahison" et fait passer par les armes, pour le même "crime", des régiments tchèques entiers.
Cette liste est naturellement bien loin d'être complète, tant s'en faut. Elle démontre néanmoins que des foyers d'insurrections nationales, surgies en liaison avec la crise de l'impérialisme, se sont allumés à la fois dans les colonies et en Europe; que les sympathies et les antipathies nationales se sont exprimées en dépit des menaces et des mesures de répression draconiennes. Et pourtant, la crise de l'impérialisme était encore loin d'avoir atteint son point culminant : la puissance de la bourgeoisie impérialiste n'était pas encore ébranlée (la guerre "d'usure" peut aboutir à ce résultat, mais on n'en est pas encore là); les mouvements prolétariens au sein des puissances impérialistes sont encore très faibles. Qu'arrivera-t-il lorsque la guerre aura provoqué un épuisement complet ou bien lorsque, au moins dans l'une des puissances, le pouvoir de la bourgeoisie chancellera sous les coups de la lutte prolétarienne, comme le pouvoir du tsarisme en 1905 ?
Le journal Berner Tagwacht, organe des zimmerwaldiens, jusques et y compris certains éléments de gauche, a publié le 9 mai 1916 un article consacré au soulèvement irlandais, signé des initiales K.R. et intitulé "Finie, la chanson !" L'insurrection irlandaise y était qualifiée de "putsch", ni plus ni moins, car la "question irlandaise", y disait-on, était une "question agraire", les paysans avaient été apaisés par des réformes, et le mouvement national n'était plus maintenant "qu'un mouvement purement urbain, petit-bourgeois, et qui, en dépit de tout son tapage, ne représentait pas grand-chose "au point de vue social".
Il n'est pas étonnant que cette appréciation d'un doctrinarisme et d'un pédantisme monstrueux ait coïncidé avec celle d'un national-libéral russe, un cadet, monsieur A. Koulicher (Retch, n° 102 du 15 avril 1916), qui a qualifié lui aussi l'insurrection de "putsch de Dublin".
Il est permis d’espérer que, conformément au proverbe "A quelque chose malheur est bon", beaucoup de camarades qui ne comprenaient pas dans quel marais ils s'enlisaient en s'opposant à l'"autodétermination" et en considérant avec dédain les mouvements nationaux des petites nations, auront leurs yeux dessillés sous l'effet de cette coïncidence "fortuite" entre l'appréciation d'un représentant de la bourgeoisie impérialiste et celle d'un social-démocrate' !!
On ne peut parler de "putsch", au sens scientifique du terme, que lorsque la tentative d'insurrection n'a rien révélé d'autre qu'un cercle de conspirateurs ou d'absurdes maniaques, et qu'elle n'a trouvé aucun écho dans les masses. Le mouvement national irlandais, qui a derrière lui des siècles d'existence, qui est passé par différentes étapes et combinaisons d'intérêts de classe, s'est traduit, notamment, par un congrès national irlandais de masse, tenu en Amérique (Vorwärts du 20 mars 1916), lequel s'est prononcé en faveur de l'indépendance de l'Irlande; il s'est traduit par des batailles de rue auxquelles prirent part une partie de la petite bourgeoisie des villes,ainsi q'une partie des ouvriers, après un long effort de propagande au sein des masses, après des manifestations, des interdictions de journaux, etc. Quiconque qualifie de putsch pareille insurrection est, ou bien le pire des réactionnaires, ou bien un doctrinaire absolument incapable de se représenter la révolution sociale comme un phénomène vivant.
Croire que la révolution sociale soit concevable sans insurrections des petites nations dans les colonies et en Europe, sans explosions révolutionnaires d’une partie de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés, sans mouvement des masses prolétariennes et semi-prolétariennes politiquement inconscientes contre le joug seigneurial, clérical, monarchique, national, etc., c'est répudier la révolution sociale. C'est s'imaginer qu'une armée prendra position en un lieu donné et dira "Nous sommes pour le socialisme", et qu'une autre, en un autre lieu, dira "Nous sommes pour l'impérialisme", et que ce sera alors la révolution sociale ! C'est seulement en procédant de ce point de vue pédantesque et ridicule qu'on pouvait qualifier injurieusement de "putsch" l'insurrection irlandaise.
Quiconque attend une révolution sociale "pure" ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n'est qu'un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu'est une véritable révolution.
La révolution russe de 1905 a été une révolution démocratique bourgeoise. Elle a consisté en une série de batailles livrées par toutes les classes, groupes et éléments mécontents de la population. Parmi eux, il y avait des masses aux préjugés les plus barbares, luttant pour les objectifs les plus vagues et les plus fantastiques, il y avait des groupuscules qui recevaient de l'argent japonais, il y avait des spéculateurs et des aventuriers, etc. Objectivement, le mouvement des masses ébranlait le tsarisme et frayait la voie à la démocratie, et c'est pourquoi les ouvriers conscients étaient à sa tête.
La révolution socialiste en Europe ne peut pas être autre chose que l'explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement - sans cette participation, la lutte de masse n'est pas possible, aucune révolution n'est possible - et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s'attaqueront au capital, et l'avant-garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d'une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l'unir et l'orienter, conquérir le pouvoir, s'emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes !) et réaliser d'autres mesures dictatoriales dont l'ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne "s'épurera" pas d'emblée, tant s'en faut, des scories petites-bourgeoises.
La social-démocratie, lisons-nous dans les thèses polonaises (1,4), "doit utiliser la lutte menée par la jeune bourgeoisie coloniale contre l'impérialisme européen pour aggraver la crise révolutionnaire en Europe" (les italiques sont des auteurs).
N'est-il pas clair que, sous ce rapport moins que sous tous les autres, on n'a pas le droit d'opposer l'Europe aux colonies ? La lutte des nations opprimées en Europe, capable d'en arriver à des insurrections et à des combats de rues, à la violation de la discipline de fer de l'armée et à l'état de siège, "aggravera la crise révolutionnaire en Europe" infiniment plus qu'un soulèvement de bien plus grande envergure dans une colonie lointaine. A force égale, le coup porté au pouvoir de la bourgeoisie impérialiste anglaise par l'insurrection en Irlande a une importance politique cent fois plus grande que s'il avait été porté en Asie ou en Afrique.
La presse chauvine française a annoncé récemment la parution en Belgique du 80° numéro de la revue illégale la Libre Belgique [2]La presse chauvine française ment très souvent, certes, mais cette information semble exacte. Alors que la social-démocratie allemande chauvine et kautskiste n'a pas créé de presse libre pendant ces deux années de guerre et supporte servilement le joug de la censure militaire (seuls les éléments radicaux de gauche ont, à leur honneur, fait paraître des brochures et des proclamations sans les soumettre à la censure), une nation cultivée opprimée répond aux atrocités inouïes de l'oppression militaire en créant un organe de protestation révolutionnaire ! La dialectique de l'histoire fait que les petites nations, impuissantes en tant que facteur indépendant dans la lutte contre l'impérialisme, jouent le rôle d'un des ferments, d'un des bacilles, qui favorisent l'entrée en scène de la force véritablement capable de lutter contre l'impérialisme, à savoir : le prolétariat socialiste.
Dans la guerre actuelle, les états-majors généraux s'attachent minutieusement à tirer profit de chaque mouvement national ou révolutionnaire qui éclate dans le camp adverse : les allemands, du soulèvement irlandais; les Français, du mouvement des Tchèques, etc. Et, de leur point de vue, ils ont parfaitement raison. On ne peut se comporter sérieusement à l'égard d'une guerre sérieuse si l'on ne profite pas de la moindre faiblesse de l'ennemi, si l'on ne se saisit pas de la moindre chance, d'autant plus que l'on ne peut savoir à l'avance à quel moment précis et avec quelle force précise "sautera" ici ou là tel ou tel dépôt de poudre. Nous serions de piètres révolutionnaires, si, dans la grande guerre libératrice du prolétariat pour le socialisme, nous ne savions pas tirer profit de tout mouvement populaire dirigé contre tel ou tel fléau de l'impérialisme, afin d'aggraver et d'approfondir la crise. Si nous nous mettions, d'une part, à déclarer et répéter sur tous les tons que nous sommes "contre" toute oppression nationale, et, d'autre part, à qualifier de "putsch" l'insurrection héroïque de la partie la plus active et la plus éclairée de certaines classes d'une nation opprimée contre ses oppresseurs, nous nous ravalerions à un niveau de stupidité égal à celui des kautskistes.
Le malheur des irlandais est qu'ils se sont insurgés dans un moment inopportun, alors que l'insurrection du prolétariat européen n'était pas encore mûre. Le capitalisme n'est pas harmonieusement agencé au point que les diverses sources d'insurrection peuvent fusionner d'elles-mêmes et d'un seul coup, sans échecs et sans défaites. Au contraire, c'est précisément la diversité de temps, de forme et de lieu des insurrections qui est le plus sûr garant de l'ampleur et de la profondeur du mouvement général; ce n'est que par l'expérience acquise au cours de mouvements révolutionnaires inopportuns, isolés, fragmentaires et voués de ce fait à l'échec, que les masses acquerront de la pratique, s'instruiront, rassembleront leurs forces, reconnaîtront leurs véritables chefs, les prolétaires socialistes, et prépareront ainsi l'offensive générale, de même que les grèves isolées, les manifestations dans les villes ou de caractère national, les mutineries dans l'armée, les soulèvements paysans, etc., avaient préparé l'assaut général de 1905.




dimanche 18 novembre 2018

Après le 17 Novembre, premier bilan et réflexions


Après le 17 Novembre, premier bilan et réflexions

Depuis des années, on nous explique que contre la Loi travail, pour sauver le statut des cheminots, contre les Ordonnances, celles de Macron ou celles de Hollande, il n'est pas possible de bloquer le pays, de rassembler dans l'unité travailleurs et jeunes dans la grève jusqu'au retrait et l'abrogation de toutes les contre-réformes
Macron a annoncé son intention de liquider dans un délai de 6 mois tous les régimes de retraite, l'information a été officiellement transmise aux organisations syndicales qui continuent pourtant à se concerter avec le gouvernement sur le calendrier et le contenu de cette Réforme, la pire attaque contre les droits ouvriers depuis 1945. Aucun appel à la mobilisation et un silence radio quasi absolu des forces de gauche sur cette terrible menace
Le futur système des retraites ne prendrait en compte que les jours « travaillés ». Cela veut dire par exemple pour les femmes travailleuses que les jours non travaillés – congés maternité, congés maladie, absences pour garde d’enfant – diminueraient d’autant le niveau de la pension, en plus de l’attaque majeure que représenterait l’instauration d’un système par points ! Tout cela pour alimenter toujours plus la spéculation, celle dont la Banque centrale européenne reconnaît elle-même que quand elle a versé pendant cinq ans 80 milliards d’euros par mois au titre du « quantitative easing », tout est parti dans la spéculation.
Le miracle s'est pourtant produit, l'unité et la mobilsation impossible pour défendre les revendications ouvrières a pu se réaliser ce 17 Novembre, pas l'unité des travailleurs et des organisations mais une unité réalisée par le Parti socialiste, Mélenchon, Hamon, le NPA, et avec le soutien critique mais chaleureux de L’Humanité. Mais une 'unité' aussi élargie à Wauquier, Le Pen, Dupont Aignant, aux syndcats patronaux des transporteurs routiers,
Une mobilisation excluant toutes les revendications ouvrières, mais une révolte antifiscale contre l'impôt et les taxes et aussi pour l'allégement des prélèvements sociaux qui financent la Sécurité sociale, c'est à dire le programme de Reagan et Thatcher, celui de l'Union européenne qui engage tous les gouvernements à prendre des mesures pour l'abaissement des charges.
Cette journée marque un tournant et pose une question à tous, celle de la voie dans laquelle nous devons nous engager.
L' unité maintenant, sur un terrain de classe, pour l'augmentation générale des salaires, pour le maintien de tous les régimes de retraites, pour rétablir la Sécurité sociale de 1945. L'unité dans la grève et les assemblées générales, l'unité pour bloquer le pays et faire tomber Macron et balayer toutes ses réformes ?
Ou bien l'autre voie , celle qui mène aux Salvini et Bolsanero, celle du populisme, celle du ' peuple' traité comme la plèbe romaine, traité comme une masse informe disponible au service de n'importe quel aventurier.
Cette immense colère qui submerge le pays devra trouver une issue, si pour son malheur la classe ouvrière laisse tomber le glaive de ses mains, si pour son malheur elle ne peut prendre la tête de cette révolte qui vient pour ouvrir la voie à un gouvernement ouvrier, d'autres ramasseront ce glaive et la suite de l'histoire nous la connaissons, elle est marquée au fer rouge dans la chair du mouvement ouvrier

mardi 9 mai 2017

La Rose blanche, un combat contre le nazisme

"la honte pèsera pour toujours sur l’Allemagne, si la jeunesse ne s’insurge pas enfin pour écraser ses bourreaux"...
La Rose Blanche : La résistance des étudiants contre Hitler, Munich 1942-43.


La rose blanche, un bien joli nom, Sophie Scholl, un si doux visage
Elle est née le 9 Mai 1921 et morte le 22 Février 1943, guillotinée par les Nazis
Son histoire, celle de son frère Hans, c'est celle de  la Rose Blanche, celle d'une poignée d'étudiants allemands qui dans les pires conditions se sont dressés contre le nazisme


La Rose blanche, un combat contre le nazisme

Début 1933, Hans et Sophie Scholl avaient adhéré à la Jeunesse hitlérienne, enflammés par le Führer qui promettait à son peuple « grandeur et bien-être ». Revenus de leurs illusions, aidés par leurs parents, des luthériens hostiles à l'idéologie nazie, ils s'éloignent du national-socialisme. Hans Scholl est arrêté en 1938 pour son appartenance à un groupe de militants chrétiens. C'est dans l'atelier que l'écrivain catholique Theodore Haeckler met à sa disposition que « La Rose blanche » édite ses tracts qui appellent chacun à rejoindre « la chaîne de la résistance de la pensée ».
Trois autres membres du groupe seront condamnés à mort. Une dizaine d'autres, actifs ou sympathisants, mourront en camp de concentration. L'été 1943, l'aviation anglaise jettera au-dessus des grandes villes allemandes un million d'exemplaires du dernier tract rédigé par le professeur Huber, universitaire catholique, l'inspirateur de La Rose blanche, exécuté par les nazis.
Le dernier tract de la Rose blanche
 distribué dans l'enceinte de l'université de Munich, en Février 1943, quelques jours après l'annonce de la capitulation allemande à Stalingrad
Étudiantes ! Étudiants ! 
          La défaite de Stalingrad a jeté notre peuple dans la stupeur. La vie de trois cent mille Allemands, voilà ce qu'a coûté la stratégie géniale de ce soldat de deuxième classe promu général des armées. Führer, nous te remercions !
          Le peuple allemand s'inquiète : allons-nous continuer de confier le sort de nos troupes à un dilettante ? Allons-nous sacrifier les dernières forces vives du pays aux plus bas instincts d'hégémonie d'une clique d'hommes de parti ? Jamais plus !
          Le jour est venu de demander des comptes à la plus exécrable tyrannie que ce peuple ait jamais endurée. Au nom de la jeunesse allemande, nous exigeons de l'État d'Adolf Hitler le retour à la liberté personnelle; nous voulons reprendre possession de ce qui est à nous; notre pays, prétexte pour nous tromper si honteusement, nous appartient.
          Nous avons grandi dans un État où toute expression de ses opinions personnelles était impossible. On a essayé, dans ces années si importantes pour notre formation, de nous ôter toute personnalité, de nous troubler, de nous empoisonner. Dans un brouillard de phrases vides, on voulait étouffer en nous la pensée individuelle, et on appelait cette méthode : «formation pour une conception saine du monde». Par le choix du Führer, un choix comme on n'en pouvait faire de plus diabolique et de plus borné à la fois, des hommes sont devenus des criminels sans dieu, sans honte, sans conscience; il en a fait sa suite aveugle, stupide. Ce serait à nous, «travailleurs intellectuels» de régler son compte à cette nouvelle clique de Seigneurs. Des combattants du front sont traités comme des écoliers par des Chefs de groupe, ou des aspirants Gauleiter.
          Il n'est pour nous qu'un impératif : lutter contre la dictature ! Quittons les rangs de ce parti nazi, où l'on veut empêcher toute expression de notre pensée politique. Désertons les amphithéâtres où paradent les chefs et les sous-chefs S.S., les flagorneurs et les arrivistes. Nous réclamons une science non truquée, et la liberté authentique de l'esprit. Aucune menace ne peut nous faire peur, et certes pas la fermeture de nos Écoles Supérieures. Le combat de chacun d'entre nous a pour enjeu notre liberté, et notre honneur de citoyen conscient de sa responsabilité sociale.
          Liberté et Honneur ! Pendant dix longues années, Hitler et ses partisans nous ont rebattu les oreilles de ces deux mots, comme seuls savent le faire les dilettantes, qui jettent aux cochons les valeurs les plus hautes d'une nation. Ce qu'ils entendent par ces mots, ils l'ont montré suffisamment au cours de ces années où toute liberté, matérielle aussi bien qu'intellectuelle, toute valeur morale furent bafouées. L'effusion de sang qu'ils ont répandue dans l'Europe, au nom de l'honneur allemand, a ouvert les yeux même au plus sot. La honte pèsera pour toujours sur l'Allemagne, si la jeunesse ne s'insurge pas enfin pour écraser ses bourreaux et bâtir une nouvelle Europe spirituelle.
          Etudiantes ! Etudiants ! Le peuple allemand a les yeux fixés sur nous ! Il attend de nous, comme en 1813, le renversement de Napoléon, en 1943, celui de la terreur nazie.
          Bérésina et Stalingrad flambent à l'Est, les morts de Stalingrad nous implorent !

          Nous nous dressons contre l'asservissement de l'Europe par le National-Socialisme, dans une affirmation nouvelle de liberté et d'honneur.

fac similé du dernier tract de la rose blanche


 Derniers jours, dernières paroles
Sophie, en prison, n'a pas cessé de sourire comme si le
soleil transperçait les murs, comme si elle ne se préoccupait pas
de sa captivité et de sa fin prochaine. Elle a dit à la prisonnière qui
partageait sa cellule : "Qu'importe ma mort si, grâce à nous, des milliers
d'hommes pouvaient avoir les yeux ouverts
". Elle lui a également raconté
un rêve qu'elle avait fait en prison : elle avait sauvé un enfant, un enfant
blanc, symbole de pureté, avant de sombrer elle-même dans un abîme profond.
Cet enfant était pour Sophie l'idéal qui survivrait après sa mort.

 Hans, lui, récita des passages de Goethe à son compagnon
de cellule, des mots si forts et si beaux, réminiscence d'un autre esprit,
tellement étranger à ceux qui allaient le tuer. Il grava quelques citations
du poète censuré sur les murs de sa cellule. Que quelques mots, certes,
mais pourvus d'un sens profondément bon : "Braver les forces contraires...."
L'hommage de Thomas Mann

« Courageux, magnifiques jeunes gens ! Vous ne serez pas morts en vain, vous ne serez pas oubliés. Les nazis ont élevé des monuments à de solides apaches, à de vulgaires tueurs ; la révolution allemande, la vraie, les détruira et à leur place, elle immortalisera vos noms, vous qui saviez et qui proclamiez, alors que la nuit couvrait l’Allemagne et l’Europe, qu’il naissait une foi nouvelle, la foi en l’honneur et en la liberté. »

Extrait de « L’hommage à la Rose Blanche » par Thomas Mann le 27 Juin 1943.



lundi 8 mai 2017

Léon-Gontran Damas une voix pour la Guyane

Léon-Gontran Damas 

une voix pour la Guyane




« Damas [est] un des plus méconnus, un des plus grands poètes de ce siècle dans notre Tiers Monde et dans notre poésie caribéenne, le compagnon de Césaire, de Senghor. Il est pour moi le poète de la sincérité absolue, de la mise à nu, avec lequel j’essaie de dialoguer. Le seul qui ait osé parler d’amour au milieu de la décolonisation… ».*Daniel Maximin

Nous les gueux

nous les peu

nous les rien

nous les chiens

nous les maigres

nous les Nègres

Nous à qui n’appartient

guère plus même

cette odeur blême

des tristes jours anciens

Nous les gueux

nous les peu

nous les riens

nous les chiens

nous les maigres

nous les Nègres

Qu’attendons-nous

les gueux

les peu

les rien

les chiens

les maigres

les nègres

pour jouer aux fous

pisser un coup

tout à l’envi

contre la vie

stupide et bête

qui nous est faite

à nous les gueux

à nous les peu

à nous les rien

à nous les chiens

à nous les maigres

à nous les nègres

Témoin de discrimination raciale en métropole, Damas est sidéré devant ce qui se passe ailleurs aussi, sur le front fasciste européen et dans le pays de l’Oncle Tom. Plus qu’Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor (avec qui Damas forme le trio fondateur de la Négritude), Damas suivra de près le problème racial en Amérique : les lois « Jim Crow », les lynchages et les émeutes, la lutte pour les droits civiques de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People). Parallèlement, il traduit dans nombre de ses poèmes sa douleur devant le désastre que sont le racisme et le tabou des relations interraciales. Incarnant en poésie la pensée de Frantz Fanon avant la lettre – le mimétisme et le complexe d’infériorité, les séquelles du colonialisme – Damas épingle les nombreux fantasmes du Blanc sur le Noir, ainsi que les nombreuses frustrations du Noir dans la société blanche. Il fréquente et se lie d’amitié avec Countee Cullen, Langston Hughes (dont il prépara la biographie en français) ainsi qu’avec un autre chef de file de la littérature de révolte afro-américaineRichard Wright.






 « Malgré tout, comme lui, il faut écrire. Il ne faut pas se contenter du cri. Il faut aller au chant. » Et vite !

C’est à Cayenne que Léon-Gontran Damas vient au monde, le 28 mars 1912, en même temps qu’une soeur jumelle. À sa façon toute poétique, dans son recueil Black Label, il peindra beaucoup plus tard ainsi ses origines :
« Sur la terre des parias
un premier homme vint
sur la Terre des Parias
un second homme vint
sur la Terre des Parias
un troisième homme vint
depuis
trois Fleuves
trois fleuves coulent dans mes veines »
Ces trois fleuves, c’est le sang amérindien et africain qui lui vient d’une arrière-grand-mère paternelle dont la mémoire a retenu le nom de ses ascendants Bâ, ainsi que le sang européen dont son père a hérité, tout comme sa mère martiniquaise. Le père de Damas est employé aux Travaux publics.
Saine émulation
L’enfance de l’écrivain sera chargée de malheurs : le décès de sa soeur jumelle en bas âge, celui de sa mère, alors qu’il n’a que 1 an, et celui de sa grand-mère, dont la mise en bière le traumatise au point qu’il devient muet pendant cinq ans. Quand il recouvre la parole, en 1919, le petit Damas commence ses études primaires. Il se retrouve ensuite, en 1924, au lycée Victor-Schoelcher de Fort-de-France, en Martinique. À la rentrée 1925-1926, il a pour condisciple un certain… Aimé Césaire. Entre les deux garçons s’installe une saine émulation : ils se disputent souvent la première place.
En 1927, l’adolescent quitte Fort-de-France pour le lycée de Meaux, à l’est de Paris. Deux ans plus tard vient l’heure d’entrer à l’université. Sa famille a décidé de son avenir : il sera notaire. Damas feint d’obéir et s’inscrit en droit. En même temps s’ajoute une inscription à l’École des langues orientales, car il ambitionne d’étudier le russe (afin de pouvoir « lire Pouchkine dans le texte ») et le japonais (dans le but de « mieux connaître le peuple nippon qu’on dit avoir du sang nègre dans les veines »). Troisième inscription, la faculté des lettres. Plus tard, il étudiera également à l’Institut d’ethnologie de Paris ainsi qu’à l’École pratique des hautes études.
Ses valises à peine posées à Paris, Léon-Gontran Damas se montre d’une vitalité et d’un entregent extraordinaires. Il connaît rapidement du monde et croque la vie à pleines dents. Dès 1930, il a déjà rencontré tout ce que Paris compte d’Américains noirs ayant quitté les États-Unis pour venir goûter un peu d’égalité et de liberté en France. Tous ces écrivains, comme le poète Langston Hughes, et ces musiciens de jazz ont une influence indéniable sur les jeunes issus des colonies françaises. Toujours en 1930, il rencontre un jeune étudiant sénégalais, de six ans son aîné, Léopold Sédar Senghor, autre signe des temps. Aimé Césaire, quant à lui, n’arrivera à Paris qu’en 1932. À l’instar de la plupart des jeunes Noirs originaires des îles des Caraïbes, de Guyane, d’Afrique, il fréquente, à partir de 1931, un salon littéraire tenu par la Martiniquaise Paulette Nardal et sa soeur, qui s’appuient sur la Revue du Monde noir, fondée par un Haïtien, Léo Sajous.
L’activité intellectuelle est intense dans la communauté noire. Tous ces jeunes poursuivent les mêmes objectifs : la défense et l’illustration de la « civilisation nègre » avec, au centre, l’Afrique. De près ou de loin, Damas est impliqué dans tout ce qui se crée pour diffuser les idées de ces diasporas : La Dépêche africaineLégitime Défense. Et, geste essentiel, il revendique désormais une identité : il est nègre. C’est une rébellion contre toute son éducation bourgeoise guyanaise qui consistait à cacher la part nègre, africaine de l’héritage, considérée comme sauvage, pour ne rêver que d’assimilation. Damas, donc, se révolte, sans s’enfermer dans aucune tour. Au contraire, il va vers l’autre, cet autre qui l’accepte, le respecte. Ses amis ne sont pas uniquement dans la communauté noire. Ils sont russe (Adrian Miatlev), français (Jacques Audiberti, Edmond Humeau, le magnat de la presse Lucien Vogel, Robert Desnos, Michel Leiris)… Ou encore américains. Mais le quotidien est dur. Sa famille lui ayant coupé tout revenu, Damas vit d’expédients, en proie à ce que Césaire appelait « l’angoisse nègre ». Il est obligé de travailler comme barman, ouvrier dans une usine, débardeur aux halles, plongeur dans un restaurant, distributeur de prospectus… En même temps, il s’initie au journalisme.
Damas, c’est une poésie du graffiti, du mort rare, difficile à trouver.
En juin 1934, il reprend le chemin de la Guyane. L’Institut d’ethnologie l’a, en effet, chargé d’une mission qui consiste à retrouver des survivances africaines sur sa terre natale. Il doit aussi ramener un reportage commandé par un journal sur l’état de la Guyane. Mais avant cela, la revue Esprit publie cinq de ses poèmes. Le journal Mercure de France écrit : « Peut-être M. Léon Damas, Noir cultivé, qui écrit en "petit-nègre" aussi bien que quelques Blancs, jouera-t-il un rôle politique et profitable aux Noirs de toute espèce ? Dans l’attente, il n’est pas un poète exceptionnellement doué. » Ce qui n’empêchera pas des hommes comme Louis Aragon et Jean-Louis Barrault de lire des poèmes du Guyanais dans une manifestation publique contre l’invasion de l’Éthiopie par les troupes de Mussolini.
En 1937, Pigments paraît. C’est un recueil fondateur qui rompt avec la poésie déclamatoire. Le style de Damas est simple, direct, sarcastique. Il irrite ou provoque le rire. Daniel Maximin, féru de Damas, explique : « Damas est un poète qui a commencé par le silence : il a été muet pendant cinq ans. Sortir des mots lui est difficile. Et quand il y a des morts, c’est encore plus difficile. Partant du silence, il va essayer de forger des poèmes à partir de l’impossibilité de parler. C’est pour cela qu’il choisit la poésie, la parole essentielle. Il y a peu de mots, qu’il va falloir bien choisir, bien mettre en évidence, des mots coupés en morceaux. »
Pardonne à dieu qui se repent
de m’avoir fait
une vie triste
une vie rude
une vie dure
une vie âpre
une vie vide
car
à l’orée du bois
sous lequel nous surprit
la nuit d’avant ma fugue afro-amérindienne
je t’avouerai sans fards
tout ce dont en silence
tu m’incrimines
Extrait de Graffiti, 1952.
Damas, c’est une poésie du graffiti, du mot rare, difficile à sortir. Les mots deviennent poème grâce au rythme, à la musicalité. Ils cessent d’être cri et deviennent chant. C’est l’oralité des origines retrouvées qui l’a beaucoup influencé et aboutit à cette poésie qui n’est pas intellectuelle mais éruption de mots et de rythmes. Comme du blues et du jazz, disait Senghor.
Censure
Tout compte fait, Damas dérange. En 1939, Pigments est censuré de façon rétroactive pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État ». Avant cela, lorsqu’il publie, un an plus tôt, Retour de Guyane, un pamphlet sans concession sur sa « Terre des Parias », l’administration de la colonie achète un nombre important d’exemplaires qui subissent un autodafé parce que l’ouvrage est jugé… subversif !
Léon-Gontran Damas a également été un découvreur de talents si l’on s’en tient aux anthologies qu’il a publiées. Après une brève carrière politique – il a été député de la Guyane de 1948 à 1951 -, farouche adversaire de Gaston Monnerville, il consacrera l’essentiel de son temps à la culture. Consultant à l’Unesco, il y représentera la Société africaine de culture fondée par son ami Alioune Diop. Il parcourt l’Afrique pour y récolter de la culture, ou le Brésil pour rechercher ce que les esclaves africains y ont apporté. Finalement, c’est aux États-Unis qu’il ira enseigner la littérature dans les universités. C’est là-bas qu’il mourra, en janvier 1978, d’un cancer de la gorge. Que faut-il retenir de lui ? Sans doute ce conseil de Daniel Maximin : « Malgré tout, comme lui, il faut écrire. Il ne faut pas se contenter du cri. Il faut aller au chant. » Et vite !


dimanche 7 mai 2017

Macron, tragédie en 5 actes



Macron, tragédie en 5 actes

Acte I
Adoption de la Loi travail, de la Loi Touraine, de la Réforme des collèges, état d'urgence, 49ter, salaires bloqués,40 milliards versés aux patrons.. tout ce qui pouvait être fait contre les droits ouvriers et les libertés publiques, tout cela a été fait
Immense rejet de Hollande, Valls et de tous ceux qui les soutiennent
Acte II
Campagne de division dirigée contre une candidature unique Hamon Mélenchon basée sur le rejet de la Loi travail et la remise en cause des traités européens
Uns consigne est donnée, la majorité qui s'est rassemblée contre la Loi travail ne doit pas trouver son expression sur le terrain électoral
Le PS trahit Hamon, Hamon se trahit lui même et Mélenchon proclame pouvoir gagner tout seul
La suite est connue et le piège de la division se referme sur les électeurs coincés entre Le Pen et Macron
Acte III
Immense coalition pour appeler au vote Macron, d'Obama à Pierre Laurent, de BHL à Cambadélis, le vote blanc ou l'abstention sont traqués, stigmatisés, l'appareil de l’État et celui du PCF engagent toutes leurs forces, avec le soutien des médias, pour le résultat que l'on sait
Malgré l'abstention record et les 4,6 millions de votes blancs, celui qui va gouverner contre tous est élu avec les voix de ceux qu'il va piétiner
Acte IV
Les 16 millions qui ont osé choisir le vote blanc ou l'abstention et ceux qui ont voté Macron contraints, forcés et dupés, doivent être réduits au silence, rien ne doit s'opposer à la légitimité de celui qui depuis le premier jour annonce vouloir détruire le Code du travail.
L''opposition', ce sera à l'Assemblée nationale dont chacun sait qu'elle n'a aucun pouvoir, même pas celui de faire la loi ou même fixer son ordre du jour
Cohabitation, bataille d'amendements, force doit rester à la Ve République et à l'Union européenne
Acte V
Il n'est pas encore écrit, après l''étrange défaite'' voici l''étrange victoire'.
L'exigence d'abrogation de la Loi travail semble oubliée de tous, une opération de division semble en cours pour assurer à Macron une majorité parlementaire.FI contre PCF pour une double élimination au premier tour et ' vote républicain' pour le macroniste de service au 2e tour.Ce qui a fonctionné pour les présidentielles peut encore servir dans chaque circonscription.
Enfin, pour parer à toute éventualité, le calendrier des journées d'action se prépare, 14, 16, 21, on ne sait pas encore si ce sera République Nation ou Nation République, peut être une alternance des 2 , juste assez pour nous épuiser et nous promener le temps qu'il faudra






samedi 6 mai 2017

Perdre la raison face aux barbelés, l'errance, la souffrance et la mort aux frontières de l'Union européenne

Les témoignages rapportés ici ne racontent pas une histoire se déroulant dans une vulgaire république bananière ou sous l'autorité d'une quelconque dictature.
La scène de ce cauchemar se trouve en Grèce, un pays membre de la très démocratique Union européenne, un pays gouverné par ce qui se fait de mieux dans la 'gauche radicale européenne.
Dans ce pays écrasé par le talon de fer de la BCE et du FMI, dans ce pays où le peuple grec grec s"enfonce chaque jour un peu plus dans un abime de souffrances, un autre drame se déroule, encore plus atroce
Les très démocratiques gouvernements de l'Union européenne et des Etats-unis, aidés de quelques alliés moins fréquentables ont semé la guerre et le chaos dans tout le Moyen Orient, ils ont ainsi jeté sur les routes de l'exil des millions d'hommes, de femmes et d'enfants fuyant les atrocités de barbares plus ou moins 'modérés'
Ces mêmes dirigeants,  qui constituent une sorte de Front Républicain mondial, partagent leur temps entre la proclamation de leur attachement à des 'valeurs communes' et le largage de  bombes sur des  populations qui ne leur avaient  rien demandé.
Quant à ceux que nos bombes'libératrices' ont chassé de leur pays, de leurs villages et de leurs maisons, l'union européenne, en attendant le jour lointain où elle sera devenue l'' Europe sociale', les parquent comme du bétail, dresse contre eux des murs de barbelés et les condamne à croupir dans des camps de fortune et dans des conditions si épouvantables qu'elles sont la négation de toute humanité


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Distribution de nourriture (AFP / Bulent Kil



IDOMENI (Grèce), 18 avril 2016 – Une des choses qui me frappe le plus chez tous ces réfugiés bloqués depuis des mois à la frontière gréco-macédonienne c’est de les voir, lentement, perdre la raison.
Voilà des années que je couvre cette crise de réfugiés. Je suis allé dans un grand nombre d’endroits et à chaque fois la situation est différente. J’ai vu des Syriens franchir en masse la clôture barbelée à la frontière turque pour échapper aux combats qui faisaient rage chez eux, à quelques centaines de mètres. J’en ai vu d’autres débarquer sur les côtes de Lesbos après une dangereuse traversée depuis la Turquie. Et maintenant me voici un peu plus loin sur la route des Balkans, à Idomeni. Ce village grec à la frontière macédonienne est devenu un cul-de-sac depuis que plusieurs pays européens ont fermé leurs frontières, en espérant mettre un terme à l’afflux de migrants. Environ onze mille personnes s’entassent ici.
Le camp d'Idomeni, le 1er avril 2016Le camp d'Idomeni, le 1er avril 2016 (AFP / Bulent Kilic)
Ce qu’il y a de particulier ici, c’est le désespoir extrême, absolu. Ces gens ont quitté des pays dévastés par la guerre. Ils ont accompli un dangereux voyage, souvent avec leurs enfants sur les épaules. Et les voici maintenant bloqués dans une mare de boue face aux portes fermées de l’Europe, obligés de vivre dans des conditions aussi déplorables que chez eux, sans avoir la moindre idée de ce qui va leur arriver ensuite. Certains végètent ici depuis deux ou trois mois. Ils n’ont rien d’autre à faire qu’attendre, dans l’incertitude totale. Pourront-ils rejoindre l’Europe de l’Ouest comme l’ont fait des centaines de milliers de réfugiés avant eux ? Seront-ils reconduits de force en Turquie ? Devront-ils, au final, rentrer chez eux ?



Alors ils perdent la raison. Ce n’est pas étonnant. Vous aussi vous deviendriez fou à leur place. Jour après jour, leur comportement change. Et même moi qui ai couvert d’innombrables situations de ce genre, qui suis ici pour faire mon travail, qui sais qu’au bout de deux semaines je retrouverai ma maison et ma famille, je me sens de plus en plus déprimé, de plus en plus agressif au fur et à mesure que le temps passe. Je ne fais pas que sentir l’ambiance. Je la sens qui pèse sur moi, de tout son poids.
greece-macedonia-refugees-001.jpgAutour d'un feu dans le camp de réfugiés d'Idomeni (AFP / Bulent Kilic)
Et il y a les conditions matérielles dans lesquelles tous ces gens vivent. Une horreur. Je n’ai pas de mots pour les décrire. A Idomeni, on trouve exactement la même chose que dans les camps de personnes déplacées en Syrie, un pays en guerre depuis cinq ans…



La première chose qui vous frappe ici, c’est l’odeur. Des effluves de toilettes mêlées à de puissantes odeurs corporelles. Les gens vivent, dorment et mangent près des toilettes, au milieu de leurs excréments. Que pourrais-je dire de plus ? Il n’y a pas assez de douches, pas assez d’endroits pour se laver les mains, pas assez d’eau. Les conditions d’hygiène sont tout simplement effroyables. La pestilence est omniprésente. Des enfants tombent malades. J’ai déjà vu des choses pareilles dans des zones de guerre. Mais ici nous sommes en Grèce, un pays en paix dans l’Union européenne, et des gens y vivent exactement comme s’ils étaient restés au cœur de la Syrie ! Cet endroit, c’est vraiment la honte de l’Europe.
Et puis que dire de la vie quotidienne ? Peut-on vraiment appeler ça une vie quotidienne ? Les habitants du camp passent leur temps à faire la queue pour recevoir de quoi manger auprès des organisations non gouvernementales. Il n’y a rien à faire ici, à part satisfaire ses besoins primaires et attendre. Pouvez-vous imaginer ça ? Passer ses journées à voir vos rêves et vos espoirs mourir à petit feu, le tout sans savoir de quoi votre avenir sera fait ?



Les réfugiés ne vont pas rentrer chez eux. Premièrement parce chez eux, il n’y a plus rien. Et deuxièmement, parce qu’ils n’ont pas dépensé toutes leurs économies et pris des risques insensés pour se laisser bloquer aux portes de la Macédoine par quelques rangées de barbelés. Cette idée leur est insupportable.
greece-macedonia-refugees-003.jpg(AFP / Bulent Kilic)
C’est parfois difficile d’être un journaliste ici, parce que les gens ont tendance à vous prendre pour une sorte de sauveur. Tous les jours, des gens me posent des questions du genre : « quand est-ce qu’ils vont ouvrir la barrière ? » ou encore : « que va-t-il nous arriver ? » Et moi je n’en ai pas la moindre idée.



A Idomeni, je suis devenu ami avec une Kurde de Syrie, dont le mari est parti le premier pour l’Allemagne il y a six mois. Elle essaye de le rejoindre avec leurs deux enfants. Et cela fait deux mois qu’elle est bloquée à la frontière. Tous les jours elle fait la queue pour recevoir de la nourriture. Les gens deviennent fous. Ils se bousculent, se battent pour être servis les premiers. « De ma vie je n’ai jamais frappé personne », me dit-elle. « Comment pourrais-je le faire maintenant, pour de la nourriture ? Même ici, je ne peux pas, c’est impossible ». Alors il y a des jours où elle et ses enfants ne mangent rien.
greece-macedonia-refugees-021.jpgUn jour de pluie dans le camp de fortune (AFP / Bulent Kilic)
Les enfants, c’est le pire, dans cette histoire. Ce sont les images d’enfants qui vous restent à jamais gravés dans la tête une fois que vous êtes rentré chez vous, surtout si vous avez des enfants vous-même. Leurs visages reviennent vous hanter, encore et encore. Bien sûr ils ne vont pas à l’école. Et vous savez ce qui se passe quand un enfant ne va pas à l’école ? Son comportement change. Son cerveau change.



Les enfants, ici, passent leurs journées à jouer dans la boue, ou sur la voie ferrée. Ils viennent vers vous, vous poussent, vous crient dessus. Eux aussi deviennent fous. Mon amie kurde de Syrie a un garçon de huit ans et une fille de quatorze ans. Cela fait trois ans qu’ils n’ont pas mis les pieds à l’école, à cause de la guerre. Elle est vraiment inquiète pour eux. Ils n’apprennent rien. Que vont-ils devenir ?
greece-macedonia-refugees-018.jpg(AFP / Bulent Kilic)
Et pour couronner le tout il y a eu ces incidents il y a quelques jours. Un groupe d’individus a essayé d’entrer en Macédoine par la force, et les soldats les ont repoussés avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Plusieurs dizaines de personnes ont été blessées, elles ont été soignées par les ONG.
Pouvez-vous imaginer ? Vous avez vécu l’enfer de la guerre, vous avez fui pour vous retrouver dans un autre enfer, vous n’avez aucune idée de ce qui va vous arriver et des soldats vous aspergent de gaz lacrymogènes. C’est juste complètement fou. Dans ces circonstances, qui ne perdrait pas la raison ?
Gaz lacrymogènes à Idomeni (diaporama):
(Cet article a été écrit avec Yana Dlugy à Paris et traduit de l'anglais par Roland de Courson)